Le restaurant typique alsacien. Voilà ce qu’est une Winstub. Nous avons rencontré le chef Stefan Baudic, qui nous parle de la sienne. Au coin des pucelles, un petit bistrot situé en plein Strasbourg.
« Une winstub ? C’est des beaux verres, des beaux couverts, des bons plats, des bons vins et… Pas de prise de tête. » La tête de Stefan Baudic, elle, est toute blanche de poussière. Il nous accueille dans sa Winstub à lui. L’homme à la voix rocailleuse et aux lunettes noires profite de la fermeture forcée pour refaire sa cuisine.


42 personnes. On a du mal à l’imaginer mais oui Stefan a bien fait tenir 42 personnes dans son petit restaurant. « C’est ça l’esprit Winstub. Des petites tables très serrées où vous mangez côte à côte avec votre voisin. À la fin vous êtes potes avec lui, ou vous ne le supportez plus. Actuellement avec la crise, cet esprit ultra convivial est comme endormi. »
La Winstub dans l’histoire
« Winstub c’est littéralement la pièce du vin. C’est des débits de boisson qui ont été ouverts à l’origine à l’époque Prusse. C’était pour permettre aux viticulteurs locaux de faire découvrir une partie de leur production. Juste un petit recoin et l’enseigne était un balais posé devant la porte. On venait là-dedans pour boire des canons et en général ça finissait assez tard. »
« Au bout d’un moment il y a ces demoiselles qui ont voulu aussi en profiter. De fil en aiguille c’est devenu comme les bouchons, comme tous ces bistrots régionaux. Avec une tradition bien locale car à l’origine ce sont des plats paysans. Souvent mijotés très longtemps. On les oubliait sur le coin du feu et quand quelqu’un avait faim on lui servait une louche. Au fur et à mesure, vu que la gastronomie alsacienne est quand même bien diversifiée, ce sont devenus des bistrots de spécialités alsaciennes. »
Alors pour se consoler autant parler cuisine. « Dans une Winstub il y a des incontournables. La choucroute qui est connue mondialement à l’échelle locale. Le jarret de porc braisé. Qui est en fait un gros stuck (morceau) de viande, rôti puis cuit dans de la bière puis recuit pour que ça caramélise. C’est servi avec de la choucroute ou des pommes de terre. Le Bibelskaës. Qui est la cervelle de canuts locale. Ou encore le gratin de spaëtzle au munster, avec des pâtes faites maison. Celui là, il vous calme un bucheron », explique Stefan, l’humour aiguisé comme ses couteaux.
Celui qui gère Au coin des pucelles depuis 2019 en solo (il était gérant avec des associés depuis 2016) nous explique ses futurs projets pour la carte. « Outre les incontournables, on va maintenant proposer un menu du chef, avec entrée plat dessert pour 34 euros. Trois choix d’entrées, la même chose pour les plats et pour les desserts on est encore en réflexion. Il y aura toujours un choix végétarien, un choix poisson et un choix viande. Je réduis ma carte pour pouvoir encore augmenter la qualité. » Car la qualité pour Stefan, c’est primordial.
Esprit local, paysan et artisanal
Ce goût des bons produits, Stefan l’a développé tout au long de sa déjà longue carrière de 32 ans de restauration. « J’ai beaucoup bougé à droite, à gauche, au milieu et à l’étranger. Je suis arrivé à Strasbourg en 2008. J’ai bossé dans de la restauration de masse. On en revient. Même si là-bas, j’ai réussi à tout passer en frais et en fait maison alors que je faisais 1000 couverts/jour, donc j’étais plutôt fier », lance le savoyard d’origine.
« Je cherchais un petit établissement que je pouvais tenir à deux (un cuisinier et une personne en salle) pour faire exactement ce que j’avais envie de faire. C’est un choix de vie. Je ne bosse pas moins qu’avant mais je fais ce qui me plaît. 80% de régional. Du frais, quand je peux du bio. Je vais de plus en plus vers cet esprit local, paysan, artisanal », explique celui au tatouage de tête de mort sur une de ses phalanges.
Au con des pucelles
1947. C’est la date de création de Au coin des pucelles. « Un vigneron l’avait ouvert, depuis il y a eu seulement 5 proprio en 70 ans. C’est la Winstub traditionnelle d’après théâtre et d’après opéra de Strasbourg. Il y a eu des très très grands artistes qui sont passés par ici. D’ailleurs la légende voudrait que ça soit Stéphane Collaro et Jacques Martin qui auraient enlevé le « i » de la façade pour faire le jeu de mots. Il y a eu Francis Weber, il y a eu Depardieu, il y a eu tout le monde ici. Des politiques, des artistes, on est le restaurant tardif de la ville. »
Vous allez me regarder de travers car j’ai oublié de vous parler de ce qu’on y boit, dans une Winstub. « Je dois avoir plus de 100 vins à la carte. D’ici ou d’ailleurs, je ne me prive pas de rajouter une petite pépite que j’ai trouvé. Concernant la bière, je travaille exclusivement avec la brasserie artisanale Matten qui fait des bières de gastronomie », indique Stefan.
Concernant les desserts. « Tarte au fromage blanc. C’est un peu comme un cheesecake américain mais en plus léger et en meilleur. La tarte au citron, bizarrement ça marche bien en Alsace. Le Kouglof perdu avec une glace à la crème fraîche, pour un truc un peu léger. Et le sorbet arrosé. De la Mirabelle avec un digestif. »
Entre touristes et restaurateurs
Mais alors qui vient aujourd’hui dans ces Winstub ? « Cela dépend des heures. On est ouvert de 19h à 1h du matin. Entre 19h et 19h30, c’est 40% de touristes où des personnes plus âgées. A 21h, la tranche d’âge on a un boulot, on a déjà bu l’apéro et maintenant on a besoin de manger. Et puis à 23h, une grosse clientèle d’artistes et de restaurateurs. »
Deux musiciens de l’opéra qui vous font un boeuf à ma droite, une discussion où on refait le monde à ma gauche, je n’ai pas de mal à visualiser l’ambiance qui règne Au coin des pucelles en temps normal. Mais alors Stefan, vous devez avoir un tas d’anecdotes non ? « Non (rire). Ce qui se passe aux pucelles reste aux pucelles. »