La choucroute veut exister sans les saucisses

Une choucrouterie alsacienne, reprise par deux cousins, entend redonner sa place au chou fermenté dans la cuisine. Avec du poisson ou en accompagnement, les recettes sont multiples.

Des filaments de chou clairs qui s’entremêlent. Un goût prononcé dû à la fermentation. La choucroute. Non, je ne vous parle pas de ce plat alsacien agrémenté de saucisses, de lard fumé et de pommes de terre. « C’est ce à quoi tout le monde pense en entendant choucroute », réalise Romain, choucroutier. Je vous parle du chou légume, qui peut être accompagné de bien d’autres choses surprenantes. 

Romain a rejoint l’aventure familiale avec son cousin Thiebert. Inès Soto.

Le décor est planté. Des champs, quelques maisonnettes. Un grand panneau d’un bordeaux passé nous indique que nous sommes arrivés. « Rieffel, fabrique de choucroute et plats cuisinés. » Romain et Thiebert, cousins, jeunes entrepreneurs, ont pris la suite de leurs pères à Krautergersheim. « C’est la capitale autoproclamée de la choucroute car c’est ici que les choucroutiers étaient les plus nombreux », raconte Romain. Aujourd’hui il en reste six. 

La choucrouterie Rieffel

L’arrière grand-père des cousins crée la société en 1938. « C’était une ferme agricole avec des boeufs, des poules, des lapins et la culture de la choucroute. » Le grand-père prend la suite et dans les années 50-60, se focalise sur le chou. « Il commence par la choucroute crue qu’il vendait dans des cylindres en bois de 25 kilos. » Avant l’arrivée des seaux en plastique dans les années 70-80. « Mon père et mon oncle se sont tournés vers la choucroute cuite dans les années 90, elle avait plus de succès. »

Direction l’ancienne usine du centre-ville. Le grand brun porte une polaire floquée Rieffel. « Ici les remorques déversent les choux des différents agriculteurs. » Les légumes sont coupés en lamelles. Dans de vastes cuves sont ensuite empilées des couches de chou, salé en fonction de son poids. Place à la fermentation à l’ancienne. 

L’odeur est prenante. Une mousse blanche naturelle se forme au dessus des cuves. La famille Rieffel a choisi de conserver la méthode ancestrale. « Le chou est recouvert d’un plastique. Par dessus on met des planches, puis des poutres qui nous permettent de poser des pierres d’une tonne. » La fermentation doit être uniforme. « Selon la période de l’année, la chaleur, le chou est conservé d’une quinzaine de jours à un an. »

Monopole hollandais

Plusieurs variétés de chou sont utilisées pour la choucroute. « La toute première variété était ovale, on appelait ça le quintal d’Alsace mais sa forme ne lui permettait pas de s’adapter à la découpe en machine. Il a donc presque disparu. » Romain connait sa partition.

Toute la chaîne de fabrication de la choucroute est dépendante des semences vendues par les Hollandais. « Ils ont tout type de semences pour les choux. » Certaines variétés disparaissent parfois car elles ne sont pas rentables, et la filière ne représente pas grand chose pour les en empêcher. Il y a donc souvent du changement d’espèces chez les choucroutiers.

Comme un poisson dans le bouillon

Saumon, lotte. Les cuisiniers ont invité la mer dans la choucroute. Et Rieffel, qui voit depuis des années la demande de choucroute cuisinée augmenter, a suivi le mouvement. Des dés de saumon fumé agrémentent l’une de leurs recettes. Et des recettes, il y en a. Dans l’usine nouvelle, sont cuisinées la traditionnelle choucroute à la graisse de canard et à l’huile de tournesol mais aussi une choucroute royale avec du champagne et des oignons émincés. « C’est l’un de nos best-seller », commente Romain. 

Le sur mesure, c’est l’autre facette de l’entreprise. Romain donne un exemple, celui de la maison Kammerzell à Strasbourg. « Le chef cuisinier de l’établissement prépare dans sa cuisine un mélange d’épices secret qu’il nous livre. On appelle cela une tisane que l’on va incorporer au chou avec le reste des épices, de la graisse de canard. » Le choucroutier a d’ailleurs son met favori à cette table, « la choucroute à la lotte et au lard ».

Légère pour le bidon et le porte monnaie

La choucroute serait arrivée par bateau d’Asie. Les marins en consommaient pour lutter contre le scorbut, une maladie due à une carence en vitamine C. L’alsacien insiste sur les bienfaits de son produit. Vitamine B, C, omégas. « Il faut veiller à ce que l’acidité reste à l’intérieur du chou pour qu’il soit bénéfique pour l’organisme, notamment pour renforcer le système immunitaire. »

Et si aujourd’hui l’accent n’est pas mis sur la tradition du plat de choucroute, c’est parce que les producteurs se battent « pour que la choucroute soit reconnue avant tout comme un légume ». L’IGP (appellation d’origine géographique contrôlée) attribuée en 2019 va dans ce sens.

La choucroute peut se réinventer dans nos cuisines. Photo d’illustration.

Son coût peu élevé pousse de plus en plus les collectivités, les cantines des écoles à la cuisiner en accompagnement. « Notamment notre gamme bio. » Passionné et adepte de ce chou qu’il accompagne régulièrement d’un dos de saumon, Romain pose son dernier argument sur la table, à qui voudra bien l’entendre, tout en faisant des calculs : « En plus, la choucroute est très pauvre en matières grasses ».

@inessotopro

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