Bordier orfèvre ou beurrier ?

C’est depuis la boutique historique de Saint-Malo que nous avons découvert le beurre Bordier. Un beurre d’excellence reflet d’un savoir-faire unique.

Le soleil s’infiltre dans notre appartement malouin intra-muros. Sur la table en bois, un plateau de dégustation. Rouges mais surtout jaunes, une dizaine de mottes triangulaires attisent notre appétit. « Je goûte comment ? Avec ou sans pain ? » J’arme mon couteau. La lamelle de beurre coule dans mon gosier. Feu d’artifice.

Goûter du beurre Bordier, c’est un peu comme si vous réécoutiez un de vos albums préférés pour la première fois. C’est aussi un peu comme si vous découvriez un nouvel aliment… Le vrai beurre.

Chez Jean-Yves Bordier le beurre est bon pour deux raisons. Des bonnes matières premières. Des gestes maîtrisés à la perfection. Mais, bien entendu, c’est beaucoup plus complexe que cela.

Du temps, encore du temps

Dans l’industrie, le temps de fabrication du beurre descend en moyenne sous les 6 heures. Rentabilité. Dans la fabrique Bordier, la naissance du beurre va de 60 à 72 heures (en fonction des saisons). Qualité.

  1. L’écrémage. Une fois le lait récupéré, la fabrication peut commencer. L’écrémage consiste à séparer le lait de la crème.
  2. La maturation. Une étape absente dans l’industrie. Durant 12 à 36 heures (toujours selon la saison), la crème va être ensemencée de ferments lactiques qui vont agir sur son acidité. Cette étape est essentielle pour favoriser la complexité aromatique de la crème.
  3. Le barattage. La crème, agitée, va devenir du beurre. Cette opération de remue-ménage se déroule dans une baratte, outil apparu au XVIe siècle (qui a évolué depuis, notamment dans sa forme). Une étape qui va nécessiter, là encore, du temps. Chez les industriels, la baratte est remplacée par le butyrateur ou canon à beurre. « Ce procédé est plus rapide mais il dépersonnalise la molécule de matière grasse de manière violente et donne des beurres visqueux et graisseux », indique Jean-Yves.
  4. Le malaxage. Dans un corps à corps digne d’un zouk endiablé, l’Homme va venir travailler, pétrir 50 kg de beurre. Cette opération favorise l’obtention d’une texture soyeuse et d’une délicate « tartinabilité ». Physique et sensuel, le malaxage est une opération basée sur l’écoute et l’observation de la matière. L’exercice pouvant aller de 15 à 30 minutes nécessite, selon Jean-Yves, pas moins de trois ans avant d’être maîtrisé.
  5. Le salage à la volée. Durant le malaxage, le beurre Bordier va être salé à la volée avec du sel fin. C’est à ce moment que le réglage du taux de sel s’opère. « On a un beurre demi-sel à 2,8 % contre 2% chez les industriels. Notre salé lui est à 4% », explique Maelys, responsable de la maison du beurre, à Saint-Malo intra-muros.
  6. Le tapage. Pas de nocturne ici, quoique si votre voisin venait à effectuer l’opération il pourrait vous réveiller. Ce geste précis et énergique réalisé par Maelys un peu plus haut en vidéo, permet de donner sa forme au beurre.
Le malaxage, une étape clé de la fabrication du beurre. Martin Boudier.

Pas de bon beurre sans bon lait

Le beurre Bordier est confectionné à partir de lait provenant d’élevages bio situés entre Rennes, le nord de l’Ile-et-Vilaine et le sud de la Manche. Un bon lait pour Jean-Yves Bordier, c’est un lait qui respecte les lois sanitaires mais c’est aussi un produit qui respecte la saisonnalité.

L’alimentation de la vache est un facteur crucial. Petites fleurs en été, foin séché en grange en hiver, de quoi obtenir toutes les qualités bactériologiques et organoleptiques nécessaires.

Voilà comment chaque année, 400 tonnes de beurre sont confectionnés dans l’atelier de Jean-Yves qui a aussi été l’un des premiers à lancer des beurres parfumés. Tour d’horizon.

Algues, sarrasin ou encore framboise

Si le beurre demi-sel reste le plus demandé, la gamme de beurre aromatique concoctée au fil du temps par Jean-Yves et son équipe, permet des possibilités quasi infinies.

« Ils vont tous sur une tartine », lance Maelys, « le premier que Monsieur Bordier a lancé c’est le beurre aux algues du Finistère. C’est celui que je vends le plus à la boutique. » Il irait très bien sur du poisson ou des fruits de mer, tout en étant très étonnant sur une viande rouge.

Durant toute l’année on retrouve aussi le piment d’Espelette, « qui va relever tous vos plats. » Celui au Yuzu, hybride asiatique de mandarine sauvage et de citron. Celui à l’oignon de Roscoff, qui est devenu un essentiel de la gamme. Un de mes coups de coeur, le beurre au sarrasin.

Ponctuellement, Jean-Yves Bordier n’hésite pas à lancer des beurres « événementiels ». Lors de la période de Noël, le beurre & caviar sur un blini avec une coupe de champagne fait des ravages. « On avait aussi réalisé un beurre spécial pour la course maritime de la route du Rhum. Un beurre à base de rhum, d’ananas et de gingembre. »

Une réussite, un héritage

Aujourd’hui à la table des plus grands chefs mais aussi présent au Japon ou en Chine, le beurre Bordier a fait ses preuves. Pourtant Jean-Yves, petit-fils de beurriers et fils de fromagers n’était pas destiné à un tel parcours. Celui qui rate le concours d’entrée à l’école nationale de la marine marchande, « doit se mettre à bosser. »

Après avoir fait ses gammes avec son papa, Jean, il lance sa fromagerie à Lannion. Le succès est déjà au rendez-vous mais c’est bien le 28 novembre 1985 qu’un tournant s’opère. Jean-Yves Bordier rachète une crémerie. Son nom ? La maison du beurre. Une passion est née, dans le sillage de ses grands-parents.

@jvaurillon

3 commentaires sur « Bordier orfèvre ou beurrier ? »

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