Les pêcheurs disent que son goût de noisette est unique. La coquille Saint-Jacques de la baie de Saint-Brieuc est prisée. Grimpez à bord du chalutier coquiller le Fury Breizh.
« Si vous avez le mal de mer ce sera surtout lié aux bruits du chalutier. » Un marin nous met en garde avant d’embarquer avec Jonathan Thomas, responsable du Fury Breizh. J’ai avalé sept cachets homéopathiques par prévention. Lever, 4h du matin. Départ 6h de Saint-Quay-Portrieux, dans la baie de Saint-Brieuc. L’objectif de l’équipage ? Ramener des coquilles Saint-Jacques bretonnes au port.


1h15 de trajet jusqu’au lieu de pêche de Jonathan et son équipe. Il y a Nicolas, « que j’ai envoyé à l’école pour qu’il apprenne à piloter. Il sera mon second quand il va réembarquer ». Cezembre, matelot de 22 ans, « fier de mon métier ». Michael en remplacement, une force tranquille. Le jeune Klaus, stagiaire volontaire. Et Dominique, le père du patron, pêcheur, venu filer un coup de main « même si Jonathan se débrouille ».
12 avril. C’est une pêche de rattrapage pour la coquille. « En remplacement d’une que l’on a manqué pendant la saison. » Cézembre détaille une journée de travail type. Le réveil sonne à 4h30. « On embarque tout le matériel. Le temps de la route on fait une petite sieste. Le patron nous réveille une demi heure avant la pêche. Puis c’est le top départ, pendant 45 minutes on est à fond. » Les voir courir sur le pont, user de toutes leur force à ce moment-là est impressionnant.
Vivez ce moment en cliquant sur la vidéo ci-dessous.⬇️
En mer nuit et jour
Bientôt nous ne voyons plus la côte. Sur le pont, les marins tendent des cordes, vérifient le matériel. En permanence, une cigarette se consume au bord de leurs lèvres, sans même qu’ils la touchent. Le bateau qui les fait tanguer a un an. « L’ancien était moins performant, d’où le nom Fury. Celui-ci doit mieux affronter le mauvais temps. » Dans le poste de commande, Jonathan remplit son rôle de patron.
Union des frères de mer
Jonathan et son père ne peuvent éviter d’aborder le sujet. Un parc éolien maritime en baie de Saint-Brieuc va voir le jour. 62 engins à produire de l’énergie. Et depuis notre rencontre, les pêcheurs manifestent, alors que les travaux aboutiront en 2023. L’onde de choc que va engendrer ces constructions « va carrément tuer certaines espèces ». L’inquiétude concernant les coquilles, c’est qu’elles se fatiguent. Le bruit des pales est une nuisance « qui pourrait empêcher les sèches de revenir en baie de Saint-Brieuc pour se reproduire ». Les frères de la mer, c’est ainsi qu’ils se nomment entre eux, sont dans la rue pour l’arrêt total des travaux.
Un vent frais balaye petit à petit les nuages de la nuit. Mon ventre n’est pas bercé par les flots. La fin de la nuit sera difficile. L’équipage somnole à l’intérieur. Une sonnerie retentit, annonçant la préparation pour le temps fort. Le soleil s’est levé, les filets vont être jetés à la mer pour racler les fonds, et remonter « au moins une tonne de coquilles ».
Surveillance permanente
Une tonne deux au maximum par marée, c’est la règle. « On évalue à bord et on jette à l’eau s’il y en a trop. » Ramasser ce mollusque si prisé demande de la volonté en baie de Saint-Brieuc. Contrôlé en mer et sur terre, la centaine de pêcheurs licenciés est encadrée. « Il y a eu des abus des générations précédentes, c’est mieux ainsi », affirme celui qui se trouve en mer depuis l’enfance.
Les grands filets métalliques sont remontés à la force des bras des hommes du chalutier. Dominique arrive en courant, secoue avec ses compagnons les grilles pour que se répandent avec grand bruit les milliers de coquillages sur le pont.



Deuxième tournée. À genoux, avec rapidité, ils trient. Une circonférence de 10,2 cm au maximum. « On a l’habitude, on le voit à l’oeil. » Les hommes de la mer préfèrent laisser les plus jeunes au fond de l’eau. Ils ont d’ailleurs agrandi pour la seconde fois les anneaux. « Et c’est du jamais vu en 8 ans dans cette baie, la saison a été excellente. »
Croquer dans la noix crue
« Celle là elle est fraîche et bio », Jonathan, sourire en coin, nous tend une coquille crue. Délice, apaisement des vagues à l’intérieur de mon ventre. C’est ainsi que le patron aime les manger. « Au barbecue, en sauce, en carpaccio, il y en a des recettes. » Préparations parfois mises en scène sur le bateau, dans des petites vidéos.



Avocat à l’araignée de Nicole, seiche aux poivrons et à la tomate d’Arnaud, daurade au paprika de Lyly. Lyly, c’est le surnom d’Aurélie, la femme de Jonathan. Sur Facebook, elle partage les petits plats des clients. Elle est celle qui vend les coquilles et les poissons « d’une fraicheur imbattable » au retour de la mer du Fury.
La mer coule dans les veines des marins qui s’y approvisionnent. Ils font le lien avec la terre et ses habitants, si friands de ces petites noix « au goût de noisette ».
Un avis sur « Pêche à la Saint-Jacques : immersion à bord d’un chalutier breton »