La réputation de cette famille n’est plus à faire en terres vendéennes. Maligorne et sa gâche régalent les papilles depuis maintenant quatre générations. Plongez dans un pétrin savoureux.
L’odeur de la tartine grillée. Rien que d’écrire ces mots, j’en ai l’eau à la bouche. Si certains la prennent au petit-déjeuner, la fameuse gâche Maligorne a toujours été pour moi un rendez-vous du goûter. En Vendée, département où j’ai grandi, la réputation de cette maison, de cette famille, s’est consolidée au fil des années et des générations.
Il est tôt ce jeudi matin d’avril (la rencontre a eu lieu le 22 avril 2021) quand Victor Maligorne nous accueille dans le laboratoire de fabrication situé à La-Roche-sur-Yon. Il incarne la quatrième génération et tout en malaxant la pâte, il revient sur l’histoire familiale.

Dans les années 30, c’est d’abord Eugène, l’arrière-grand-père qui fabrique et vend sur les marchés avec son épouse. Puis à son décès prématuré, ce sont ses fils ainés Yvon et Pierre qui prennent la suite avec leur mère Paulette. Les techniques sont les mêmes, mais la façon d’exercer le métier change puisque Paulette se sédentarise en prenant une boutique à Mareuil-sur-Lay.
C’est avec son épouse, Marcelle, que Pierre va réellement développer l’activité. Gaëtan, l’ainé de leurs quatre enfants, apprend, travaille et relaie son père avant de prendre son envol dans une autre boutique à Mareuil-sur-Lay ouverte en 1990. « Mon beau-père ne voulait pas qu’on s’associe par superstition puisque tous les patrons avec qui il avait travaillé étaient décédés de manière brutale », précise Laurence Maligorne, la femme de Gaëtan et mère de Victor.
Le bouche à oreille et une solide réputation
L’activité est aujourd’hui bien développée. Un autre magasin a vu le jour dans le centre commercial des Flâneries à La-Roche-sur-Yon. Des partenariats se sont noués avec quelques supermarchés. « On a rencontré le patron du Super U de Jard-sur-Mer parce qu’il voulait vendre notre gâche. On a accepté sans passer par les centrales. On ne veut pas travailler avec ces dernières, car elles vous imposent les prix. Donc c’est beaucoup par le bouche à oreille », explique Laurence.
Mais alors qu’est-ce qui se cache derrière cette fameuse gâche qui n’a pas le droit à l’appellation gâche vendéenne (voir encadré) ? « Du beurre, du sucre, de la farine, de l’eau, de la levure, des oeufs, de l’arôme de vanille et du rhum », cite Victor qui perfectionne ses gestes depuis maintenant huit ans.
Une indication protégée, un imbroglio
L’IGP (indication géographique protégée) a été mise en place en 2011, à l’initiative de l’organisme Vendée Qualité, qui développe les indication géographiques pour protéger les produits du terroir en Vendée. Sauf que dans le cahier des charges, l’utilisation de crème fraîche épaisse devient obligatoire. Hors depuis 1932 chez les Maligorne, la gâche c’est sans crème. La répression des fraudes a donc débarqué pour leur indiquer qu’ils n’avaient plus le droit de qualifier leur gâche de « vendéenne ». Qu’importe pour Gaëtan, le papa de Victor qui n’entend pas changer la recette familiale installée dans les coeurs de nombreux vendéens, mais aussi de nombreuses personnes de passage.
Celui qui participe à l’élaboration des quelques 150 000 gâches par an nous explique aussi la différence entre gâche et brioche, autre produit sucré réputé en Vendée. « Pour la gâche on va incorporer le beurre au début du pétrissage, alors que la brioche sera pétrie sans beurre… Et nous, on ne met pas de conservateur ! », lance Victor. Il faut donc la consommer la plus fraîche possible, « dans les 10 jours ».
Des spécificités qui ont conquis le coeur d’une idole bien connue des supporteurs du F.C Nantes, l’ancien footballeur Mickaël Landreau. « Il la mange nature », lance Victor. D’autres comme moi, adorent y rajouter de la pâte à tartiner. C’est d’ailleurs le chausson fourré au Nutella qui fait fureur du côté des Flâneries.
Un produit du Moyen Âge
Qu’en est-il de l’origine de ce produit ? La préparation de la gâche remonte au Moyen Âge et s’installera bien vite sur les tables des fêtes de mariage, consommée à la fin du banquet sous le nom de « gâteau de la mariée ».



« Quand j’étais petite, la gâche Maligorne était un met un peu exceptionnel qu’on pouvait offrir. On n’en mangeait pas tous les jours. Pétrie le Vendredi saint, cuite le samedi, la gâche était dégustée le dimanche de Pâques au retour de la messe. Cela se perd un peu mais on voit encore la différence lors de cet événement, avec des achats de grosses gâches allant jusqu’à 2 kg », se remémore Laurence.
Aujourd’hui la gâche Maligorne est consommée toute l’année et les défis restent nombreux. « Les premiers essais en bio ont par exemple été réalisés il y a peu », indique Victor Maligorne, prêt à reprendre le flambeau de ce met gourmand.