Une pomme de terre précoce, trésor sucré de Noirmoutier

Cueillies avant maturité pour plus de saveurs, les pommes de terre primeurs de l’île de Noirmoutier sont attendues dès le mois de mars dans les assiettes. Une culture traditionnelle bénie par la mer.

Les petites boules dorées tressautent sur la planche à l’arrière du tracteur. La culture de la pomme de terre primeur de Noirmoutier est traditionnelle. La plantation et la récolte se font à la main. Le vent souffle sur une matinée d’avril 2021. Jessica Tessier et son compagnon Julien sont bien entourés pour remplir des caisses avec leur production annuelle. Dans l’idéal, 24 h séparent les consommateurs du ramassage de la primeur.

« Ce n’est pas une pomme de terre classique, elle est cueillie avant maturité et ne se conserve qu’une dizaine de jours. Après elle perd de ses qualités gustatives », indique celle qui est tombée dans le champ toute jeune. Une photo juvénile de l’agricultrice sur les genoux du grand-père en témoigne. L’agriculture sur l’île, c’est une affaire de famille. Comme elle, ses tantes, oncles, cousins et cousines se vouent à la pomme de terre.

Le pouvoir du collectif

Ils sont 25 exploitants adhérents de la coopérative agricole de Noirmoutier. « C’est un système très vertueux où nous prenons les décisions ensemble », apprécie Jessica Tessier. Elle décrit une petite structure familiale qui existe depuis 75 ans. « La culture se fait depuis la fin du XIXe siècle, la coopérative a permis de faire face aux négociants nantais qui écrasaient les prix », raconte la Noirmoutrine.

Un tiers de leur clientèle est située dans le coin, du côté de Nantes et sa région. Un autre sur Paris et ses environs. Le dernier tiers se répartit sur l’ensemble du pays. Cela représente entre 10 000 et 12 000 tonnes de pommes de terre par an. Le collectif est leader sur le marché de la primeur. 

Cultiver la Noirmoutier, ça ne s’improvise pas. Le produit est fragile, avec une peau qui s’enlève facilement. Il est ramassé 90 jours après avoir été mis sous terre en janvier. Et la récolte s’étale de fin mars à mi-juillet. « On livre à la coopérative le midi, c’est conditionné puis livré. » Un label rouge couronne ce travail depuis deux ans, et l’IGP (indication géographique protégée) est arrivée il y a plus d’un an.

Passer du métro au tracteur

Enfermés dans un bureau, logés dans la banlieue parisienne, Jessica et son compagnon sont usés par la ville et rêvent de revenir à la terre. Le père de la jeune femme, agriculteur sur l’île, approche de la retraite, sans repreneur. L’agricultrice raconte son parcours cheveux aux vents : « On a donc décidé de revenir en 2013. Il nous a fallu le temps d’apprendre le métier, de reprendre quelques études et nous nous sommes installés en 2016 ».

L’air de la mer

La spécificité principale de Noirmoutier c’est le climat océanique. « Nous en plus on est au bout de l’île, à 20 km du continent. On est presque en pleine mer, on n’a pas de gelées ou très peu. Ce qui permet de cultiver très en avance dans la saison », décrit Jessica. S’ajoute une douceur et un ensoleillement fort, des terres très sableuses, peu lourdes et drainantes. La jeune femme défend son bout de terre : « On retrouve ici des cultures qui ne marcheraient pas dans d’autres zones de France ». 

Le couple a deux casquettes, deux métiers complémentaires. D’un côté les 10 hectares de pommes de terre, de l’autre des marais salants. « On est également sauniers, on produit du sel. » Une complémentarité qu’apprécie la professionnelle. « Il y a des périodes de chevauchement mais grosso modo la culture de la pomme de terre va être très importante en hiver et au printemps, alors que le sel ce sera plutôt l’été. » L’automne permet de souffler un peu.

Bien plus qu’une patate

La jeune boule dorée a la chair très sucrée. Elle se mange avec la peau, tant elle est fine. Pour donner des forces aux troupes, Jessica a distribué des parts d’un gâteau moelleux…aux pommes de terre ! « Une fois bouillies je les écrase en purée avec de la poudre d’amandes et j’ajoute les ingrédients d’un gâteau classique. » Le bec sucré parle aussi de financiers…

Saveur noisette ou châtaigne

Il y a plusieurs variétés de pommes de terre primeur :
– la Sirtema, la première de l’année jusqu’au mois de mai. Plutôt ronde avec un goût de noisette.
– la Bonnotte, emblématique de l’île. Elle a des « yeux » et des notes de châtaigne.
– la Lady Christ’l, plus longue et qui s’adapte très longtemps sur la saison.

Au sein de la coopérative, tout un travail de recherche variétale est mené. Tous les ans, des champs d’essais accueillent de nouvelles variétés, sont confrontés aux tentatives de conversion au bio. « On voit comment elles s’adaptent au terroir, à notre mode de récolte. On les goute, car le plus important c’est le goût. On renouvelle ainsi notre panel variétal », présente Jessica Tessier.

Concernant la cuisson, d’après l’habituée, que ce soit à la vapeur ou bouillies, 15 minutes suffisent. « La façon de les cuisiner la plus simple sera toujours la meilleure », affirme la gourmande. Elle apprécie ses petites primeurs si parfumées pour accompagner un poisson noble « comme on a ici à la criée : le bar au beurre blanc par exemple ». Elle n’hésite pas à les faire sauter à la poêle. Ou encore à les taper avec un presse purée après les avoir bouillies la veille, puis les recouvre « d’huile d’olive, de fleur de sel de Noirmoutier, d’herbes et au four 30 minutes pour exhaler leurs saveurs ».

Entre 200 et 250 tonnes de pommes de terre primeurs quittent l’île de Noirmoutier chaque année. Un exode qui fait des heureux. Et pour célébrer leur départ, la fête de la Bonnotte et ses sardines grillées lance la saison !

@inessotopro

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