À Marans, poules d’antan et oeufs charmants

Beau et robuste, l’oeuf de Marans aurait pu disparaître. C’était sans compter sur plusieurs fidèles admirateurs, dont Mélanie et Laurent Galliot, éleveurs amateurs qui nous présentent ce produit si particulier provenant de Charente-Maritime.

Quand on observe les oeufs de Marans, il y a comme un air de Pâques en avance. Cette belle couleur, extra-rousse presque brune est peu commune sur les étalages français, et pour cause sa productrice aurait pu disparaître.

Mélanie et Laurent Galliot avec des oeufs de Marans. Inès Soto.

Car quand Laurent et Mélanie Galliot reviennent dans le département à la fin des années 90, la poule de Marans n’existe quasiment plus dans le secteur. Elle subsiste en revanche un peu partout en France, notamment grâce au Marans Club de France fondé en 1929.

« Dans les années 70-80 la poule de Marans avait disparu au profit de la poule industrielle, plus productive (100 oeufs de plus par an que la Marans qui en pond environ 180) », explique Laurent, chemise bleu ciel impeccable. « Quand on est revenu ici, on a tout de suite voulu la faire revenir. Les gens venaient pour voir de la poule de Marans, et c’était le seul endroit où il n’y en avait pas. »

Le retour en grâce d’une poule chouchoutée

À force d’abnégation, le couple de passionnés crée la confrérie de la poule de Marans en 2016, mais aussi un projet de poulailler municipal avec la mairie. Aujourd’hui Mélanie Galliot, présidente de la confrérie explique même, qu’elle et son mari, « éprouvent des difficultés à répondre à la demande ». Le couple envoie des poules ou des oeufs un peu partout, comme par exemple en République Tchèque.

Et si les riches échanges à travers la planète, que suscitent ce retour d’intérêt pour l’espèce, enchantent Mélanie et Laurent, il est également très plaisant de voir les dizaines de poules et de coqs gambader en plein air, dans l’imposant jardin de la famille Galliot. « C’est une poule qui a besoin de ça, qui peut être sujette au stress. » Qui dit stress dit problème à la ponte.

Alors de la couveuse à la fin de sa vie, la poule de Marans sera chouchoutée. « Une poule il lui faut minimum 16 h de lumière pour pondre. Elle recommence donc la ponte en janvier-février et s’arrête en septembre-octobre. On suit les cycles naturels. »

Un oeuf plus résistant

« L’avantage de l’oeuf de Marans, c’est qu’il a une coquille très dure. Et la pellicule que la poule dépose au moment de la ponte n’apporte pas que la couleur mais fait aussi qu’il se conserve mieux. Il y a 90 ans, on n’avait pas les frigos, on n’avait pas tout ça. En termes de transport et en termes de beauté, elle avait ça que n’avait pas les autres », précise Laurent.

Une bonne génétique et une belle vie

Mais alors comment expliquer cette teinte plus foncée chez l’oeuf de Marans ? « Elle dépose la teinte au moment de la ponte. L’oeuf n’est pas teinté dans la masse. Chaque poule a son pot de peinture, chaque poule a sa teinte et sa concentration », indique Laurent.

D’où l’importance de la sélection, car la génétique y est pour beaucoup. « Si elles sont issues d’une belle lignée génétique, les oeufs sont très beaux. Si la lignée est moyenne, les oeufs sont moyens. Il faut donc toujours sélectionner, garder les plus beaux oeufs. Dans les beaux il y a les très beaux, cela vont être gardés pour couver. Et les encore plus beaux, on en fera des coqs. Ce travail s’est fait un peu partout au fil du temps par les fermières. C’est ce qu’on appelle la sélection au panier », lance Laurent.

Un mélange avec des coqs de combat

Au cours des siècles passés, la situation de la commune de Marans non loin du marais Poitevin en fait un port de commerce important. Les bateaux marchands anglais et français de passage prennent l’habitude de relâcher des coqs combattants anglais ou asiatiques lors de leur passage. Très vite ces derniers se reproduisent avec la souche de poules locales et donnent la poule de Marans.

Un travail complexe d’autant plus qu’il existe 13 coloris de poules. Noire cuivré, blanche ou encore bleu cuivré, les Galliot cultivent la différence au sein de leur poulailler.

Ce dernier est en perpétuelle évolution. Si les poules pondeuses peuvent vivre entre trois et quatre ans, les poulets sont eux aussi gardés plus longtemps. « Un poulet industriel sera tué aux alentours de 100 jours, un poulet de Marans, c’est le double. De quoi avoir une belle chair rosée et pas blanche, car elle est plus mature. De quoi faire aussi de très belles rillettes. »

Si les dimanche d’hiver riment donc souvent avec un bon poulet, Laurent Galliot nous livre aussi son pêché mignon concernant l’oeuf. « En cocotte avec un peu de crème fraîche, un peu de beurre et une tranche de saumon fumé c’est délicieux. Et puis c’est léger en plus (rire). »

Le couple Galliot a donc réussi une formidable opération de reconquête qui pose des questions pour l’avenir. La poule de Marans dénote dans le paysage de l’agriculture actuelle où le rendement est souvent le premier facteur mis en avant. Mais depuis quelques années, avec le retour aux bon produits et la prise de conscience de la population, l’oeuf extra-roux retrouve sa place. L’objectif de Mélanie et Laurent est maintenant « d’accompagner des petits jeunes qui veulent démarrer une activité en circuit court, avec des oeufs mais aussi d’autres produits. » Car le peu est l’ami du mieux.

@jvaurillon

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