La fleur de Toulouse est la violette. Si sa culture se fait rare, ses déclinaisons en cuisine, elles, sont infinies. Et cela grâce à Hélène Vié, qui a tout misé sur cette plante.
« Beaucoup l’imaginent sauvage, pousser un peu partout dans Toulouse », s’amuse Hélène Vié, productrice de violettes. Que nenni. La petite fleur, emblème de la ville rose, est en réalité une variété cultivée. « C’est une violette double, différente de la sauvage dont il existe d’ailleurs plus de 400 variétés. »
Du vert sur la coque, du violet partout ailleurs. La péniche d’Hélène Vié est à quai. Celle qui a redonné vie à la jolie plante, au bateau aussi, porte des touches de violet au poignet, autour du cou… C’est sa teinte favorite, depuis toujours cela l’inspire. Et l’odeur de la violette la suit depuis l’enfance. « Ma grand-mère utilisait la brillantine pour faire son chignon, et c’était ce parfum à la mode à l’époque. J’ai l’ai toujours eu en mémoire. »
Trente ans en arrière, Hélène Vié s’installe à Toulouse. Très vite, elle s’intéresse à cette fleur qui semble perdre un peu de succès. « Elle viendrait du nord de l’Italie. Et dès 1850, les nombreuses familles toulousaines de maraîchers, qui n’avaient pas grand chose à cultiver en hiver, se sont rendu compte qu’elle fleurissait à cette saison », raconte-t-elle.




Les illustres bouquets toulousains
Ce n’était qu’à Toulouse qu’on avait la chance d’avoir une floraison hivernale. Alors les agriculteurs se sont mis à faire des bouquets, vendus sur le marché aux fleurs ouvert les quatre mois de l’hiver. Et ils étaient expédiées dans tous les marchés du pays, lançant une mode incroyable.« Il y avait une production très importante, avec plus de 600 producteurs », s’est renseignée Hélène Vié.
« Ainsi la parme, comme elle était nommée à l’époque, devient l’emblème de la ville. » Juste après la Seconde Guerre mondiale, les maraîchers se rendent compte qu’il y a une image. Ils vont décider de fêter cela, en hiver, avec des manifestations, des banquets, des majorettes violettes, etc. Le gel de 56, cumulé au développement du transport et des échanges internationaux, va venir stopper la production, et évincer la violette.
La dernière culture de Toulouse
« Il a fallu attendre 1984, pour que les institutions réagissent face à la disparition de la culture de la violette », détaille celle qui connaît le sujet sur le bout des doigts. L’Inra (Institut national de la recherche agronomique) va travailler sur la plante, sa résistance, à la demande des institutions locales. Un regain d’intérêt furtif… C’est à ce moment qu’apparait la « Violette de Toulouse », et qu’une marque est déposée.
« J’ai connu une vingtaine d’horticulteurs jusqu’en 2002 », se souvient Hélène Vié. « Le dernier qui a décidé d’arrêter, ça m’a fait un choc. Il m’a aidé pendant quelques années à me lancer moi même dans la culture de la violette. » Comme elle est collectionneuse, elle a constitué un fonds impressionnant en matière de travaux sur la fleur. Elle arrive aujourd’hui à 3000 pieds en pot. Un travail quotidien, nécessaire pour subvenir à sa production de produits dérivés.





Bonbons, moutarde et dragées
Par passion pour la petite fleur, en 1993 Hélène Vié lance la Maison de la violette. Inspirée, elle développe une gamme de produits dérivés. « On a des ateliers un peu partout dans la ville. Et rapidement, j’ai imaginé un lieu atypique où l’on puisse accueillir le public. » Elle déniche alors une péniche « à la retraite », trois ans de travaux seront nécessaires. Depuis neuf ans l’entreprise est familiale, sa fille Mélanie a rejoint l’aventure.
À l’intérieur du bateau violet, sur une étagère, des petits sachets de bonbons cristallisés. « La vraie fleur confite, née de l’excédent de fleurs qui n’étaient pas vendues le jour même. Un artisan en a eu l’idée en 1900… » Trempée dans un sirop de sucre, le bonbon est ensuite cuit à basse température dans des étuves. « Rare, élégant, ce produit vendu dans des boîtes métalliques était prisé. On le retrouvait aussi sur les pâtisseries. »
Une fleur aux mille déclinaisons
Dans les années 30, « un parfumeur toulousain a l’idée de distiller les fleurs mais surtout le feuillage, pour en faire la base du parfum Violette de Toulouse. » Et dans les années 50, le fabriquant de liqueurs Jean-Benoît Serres va en faire une à la violette. Ces années voient aussi arriver la poupée folklorique. Hélène a donc intégré ces produits, elle a revu le packaging, a intégré la couturière qui fabrique les figurines à l’entreprise, etc. Et récemment, elle a développé une gamme de cosmétique avec un actif breveté…
En collaboration avec des artisans de bouche, la passionnée a trouvé de quoi garnir les étagères… Une gamme d’infusions, « la plante a des vertus anti-inflammatoire ». Mais aussi du thé, des chocolats très parfumés, du nougat à l’arôme plus subtil. Du miel d’acacia à la violette, des pâtes de fruit, de la moutarde à l’ancienne, du vinaigre, un arôme culinaire ou encore du sirop. La violette se glisse de partout… « Le best-seller reste les dragées amande, chocolat et violette », assure celle qui en tend de la main.
Depuis 2000, l’entrepreneuse travaille avec des chefs cuisiniers. « Au mois de février, je leur fais faire des repas à thème avec mes produits. » Pour finir de nous mettre en appétit, elle donne quelques recettes : « Je fais mariner le saumon avec un vinaigre à la violette. Je mets des cristaux de sel de violette sur du fromage à tartiner. J’accompagne les toasts de chèvre avec du miel à la violette… »
Crédit photo : Maison de la violette, Julien Vaurillon, Inès Soto.