Nous avons quitté Amiens, direction Lille, avec en chemin, quelques belles découvertes.
Un. Deux. Dix. Les trous dans l’imposant ensemble se multiplient au fur et à mesure de nos pas. L’effet du temps ? Non. Un problème à la construction ? Toujours pas. La cathédrale et l’abbaye de Saint-Vaast portent les stigmates de la Seconde Guerre mondiale.

C’est dans ces édifices que les soldats britanniques avaient élu domicile pour défendre Arras lors de l’avancée des forces allemandes. Les traces de leur passage ne sont plus. Celles des combats, elles, persistent.
La cathédrale pourrait être élevée au rang de martyre tant elle a souffert. Inaugurée en 1833, elle sera entièrement détruite lors de la guerre 14-18. Comme 80% de la ville d’Arras. Elle est ensuite reconstruite sous la direction d’un homme. Pierre Paquet.
D’Arras au Mont Saint-Michel
« Nous avons perdu un des plus éminents de nos confrères », écrivait Marcel Aubert, historien de l’art, à propos de Pierre Paquet. Né dans la creuse en 1875, il se dirige rapidement vers l’architecture. En 1901, il est reçu au concours des architectes diocésains. Il s’occupe respectivement des diocèses de Cambrai, Blois, puis Bordeaux. Avant de devenir, en 1905, architecte en chef des monuments historiques.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale et en application de la loi de 1919 sur les dommages de guerre, Pierre Paquet dirige avec l’architecte Paul Decaux la reconstruction d’Arras.
L’Hôtel de ville, son magnifique beffroi, l’ensemble des maisons entourant les deux places majeures, l’abbaye Saint-Vaast et la cathédrale, sont reconstruits. Une oeuvre respectueuse du modèle d’origine qui s’achève en 1934 en restituant la parure monumentale d’Arras.


La réussite de cette entreprise lui vaut ensuite d’obtenir la restauration de la Sainte-Chapelle de Paris, ou encore de l’hôtel de Cluny. En 1923, il obtient la prestigieuse charge de la restauration du Mont Saint-Michel.
Terre de Beffrois
Il est temps de reprendre la route. L’horizon est morcelé de montagnes noires, imageant le passé minier de la région. Nous voilà à Douai pour le déjeuner. Le soleil illumine le parc Charles Bertin. Au loin, notre regard est attiré par une tour, un autre beffroi.
23. Ils sont 23 beffrois des Hauts-de-France à être inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2005. Celui de Douai est l’un d’eux, et on comprend vite pourquoi.


La tour abrite en son sein, un carillon qui fut enfin complété en 1974. Il comporte maintenant 62 cloches s’étendant sur cinq octaves, rien que ça. De passage à Douai en 1837, Victor Hugo le dessinera.
Il lui fera aussi dire : « Il y a là le plus joli beffroi que j’aie encore vu. Figure-toi une tour gothique coiffée d’un toit d’ardoise, qui se compose d’une multitude de petites fenêtres coniques superposées ; sur chaque fenêtre une girouette, aux quatre coins, une tourelle ; sur la pointe du beffroi, un lion qui tourne avec un drapeau entre les pattes ; et de tout cet ensemble si amusant, si fou, si vivant, il sort un carillon. Dans chaque petite lucarne, on voit se démener une petite cloche qui fait rage comme une langue dans une gueule. »
On n’osera rien y ajouter. Nous voilà à Lille. Avec nos guiboles, notre tête pleine d’histoires et nos pas. Qui nous mèneront, d’après mon petit doigt, encore vers un autre beffroi.