Angélique, hysope, noix de muscade ou encore safran. 27 plantes et épices se cachent derrière la recette secrète de la liqueur Bénédictine. Mais il y a plus, bien plus. Quand on parle de la « Bénéc », on parle aussi d’un homme avant-gardiste, d’un des tout premiers palais-usine, de l’histoire profonde de la petite cité normande de Fécamp et de la touche française appréciée partout dans le monde. Plongeons dans un univers en trois temps.
L’homme
Il n’a pas vaincu l’empire Perse, il n’a pas été proclamé pharaon, mais Alexandre Le Grand, celui de Fécamp, a lui aussi réussi. Ce négociant en vins est à l’origine de la liqueur Bénédictine. Selon la légende il aurait trouvé la recette d’un élixir dans un livre détenu par son grand-père. Ce dernier était procureur fiscal de l’abbaye de Fécamp, et il aurait mis à l’abri tout un tas d’articles à la révolution française.
L’élixir va devenir en 1863, après quelques ajustements, la liqueur que l’on connait encore aujourd’hui. « Il la nomme Bénédictine en hommage à Bernardo Vincelli, le moine d’origine vénitienne qui a confectionné cet élixir, alors qu’il était installé à l’abbaye bénédictine de Fécamp« , indique Élodie Manoury, guide au palais.



Derrière cette figure à la famille nombreuse (il aura vingt enfants), se cache un formidable entrepreneur avant-gardiste. « Le succès est rapidement au rendez-vous, mais c’est surtout par l’utilisation massive de la publicité qu’Alexandre Le Grand se démarque. » L’homme n’hésite pas à faire collaborer des artistes comme Alfons Mucha, pionnier de l’Art nouveau afin de toucher un maximum de monde.


Banco ! Alors que le 19e siècle est considéré comme le siècle des liqueurs, la désuétude progressive de ces alcools jugés mauvais pour la santé n’affecte pas forcément la Bénédictine. Car rapidement cette dernière sait s’associer. La cuisine mais surtout l’univers du cocktail lui offrent une seconde jeunesse. Cela explique aussi pourquoi aujourd’hui, 96% de la production part à l’export. « La mixologie est peut-être moins développée en France qu’en Amérique du Nord par exemple », lance Élodie.
Le palais
Toujours dans cette politique de mise en avant de son produit, Alexandre Le Grand ouvre très vite les portes de sa distillerie. Mais alors que ses affaires fleurissent un incendie ravage son usine et son domicile en 1892. La distillerie et les caves en réchappent. Loin d’être abattu, Alexandre voit alors encore plus grand. Il confie la confection d’un palais à l’architecte Camille Albert.
Ce dernier est le parfait symbole du courant éclectique. Les styles Gothique et Renaissance s’y entrechoquent pour un résultat fabuleux. Un résultat qui dénote de l’architecture du reste de la ville et qui est désormais devenu un symbole.





Mais alors qu’on peut l’observer en statue, en vitrail, ou encore en portrait, Alexandre était-il mégalo ? « Ce qu’il faut savoir c’est qu’il a voulu construire un écrin pour son produit tout en ayant une partie musée pour les nombreuses oeuvres que sa famille avait récupéré. Toutes les représentations de lui ont été commandées… Par ses descendants. » En effet Alexandre Le Grand meurt avant l’inauguration du palais.
La liqueur
Si aujourd’hui sa déclinaison en quatre expressions laisse à penser que la Bénédictine se dévoile plus qu’avant, le secret demeure toujours. « Le maître herboriste s’occupe de concocter les quatre mélanges de plantes et d’épices qui sont ensuite envoyés ici à Fécamp. Là, l’équipe de distilleurs prend le relais. » Chacun connait sur le bout des doigts sa partie mais ignore tout de l’autre. De quoi conserver le secret encore longtemps.
D’autant qu’il faut être un vrai petit alchimiste pour comprendre les étapes de confection. Au programme, macération, distillation, infusion ou encore rectification. L’ensemble du processus est réalisé dans des alambics datant de 1888.


4 expressions, une évolution
La Bénédictine, comme l’ensemble des liqueurs est un produit sucré. En 1937, pour convenir au marché américain un produit plus sec est lancé. Le B&B, mélange de Bénédictine (à 60%) et d’un brandy français (40%).
En 2000 l’expression Single Cask voit le jour. Tout comme dans le B&B, la Bénédictine est mélangée. Mais la touche en plus se passe au niveau du vieillissement. « Là où nos fûts traditionnels n’impriment aucun goût sur la liqueur, l’utilisation de jeunes fûts de chêne change tout. Alors que le mélange vieillit 6 mois de plus dans ces derniers. »
La dernière née, l’expression 1888 est quant à elle un mélange avec un cognac de deux ans d’âge. Elle est aussi vieillie dans des anciens fûts de Cognac.
Après sa période de vieillissement la liqueur est prête à être embouteillée. Depuis 1992 cette opération ne se réalise plus à Fécamp mais à Beaucaire dans le Gard. « Bénédictine est aujourd’hui une propriété du groupe Bacardi-Martini, mais la confection de la liqueur est toujours réalisée ici, depuis le début et ça même certains fécampois l’oublient. »
Très intéressant cet article …. la Bénédictine gagne à être connue … Surement un très bon remontant en ces périodes troubles !
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