Balade dans le marais Poitevin

La Venise verte et ses lentilles d’eau, ses frênes centenaires et ses eaux peuplées d’anguilles, se dessine à cheval sur plusieurs départements. Façonnée par les hommes, son destin est lié à eux pour l’éternité. Grimpez dans une barque avec nous pour visiter le marais Poitevin de l’intérieur. Entendez le chant des oiseaux, le bruit de l’eau.

La rame perse l’eau et le silence alors que nous sommes seuls, entourés d’une palette de verts éblouissants. Nos petits pieds posés sur le sol de la barque, bien au sec, se laissent promener par Adrien Talon. Ce jeune homme à qui nous tournons le dos pour profiter du paysage, est batelier dans le marais Poitevin, un rôle transmis de génération en génération.

Les présentations commencent. « À votre droite, l’abbaye Saint-Pierre de Maillezais. Le début des travaux est daté de l’an 1003, au début du XIe siècle », présente notre guide, la voix pleine d’assurance. « Elle est divisée en deux parties. D’un côté l’hôtellerie, l’aile des convers, la cuisine, le dortoir et le réfectoire à sel. De l’autre, la cathédrale dont il ne reste qu’un quart debout. Les guerres de religion ont fait des ravages. »

Les pieds d’un géant

Un personnage important est venu dans cette abbaye en 1518, il s’agit de Rabelais. Dans un premier temps pour se protéger des guerres, puis pour passer du bon temps. « Il s’ennuyait un peu et au bout de cinq ans, il a décidé de quitter le lieu en écrivant un ouvrage qui s’appelle Gargantua. » Sur la rive, une statue décomposée du géant, sa main, son pied et sa tête sont éparpillés.

L’homme dompte la nature

Notre barque emprunte le canal, « la voie d’eau la plus grande du marais ». D’autres voies plus petites sont nommées canaux, fossés, rigoles ou conches. Le marais s’étend sur 8200 km, un véritable labyrinthe aquatique. « Si on poursuit sur ce canal on rejoint la Sèvre Niortaise, le bras principal qui est situé dans les Deux-Sèvre, et qui achemine toutes les eaux douces du marais vers la baie de l’Aiguillon. »

« Il faut savoir qu’on a trois marais dont deux bien distincts : le marais mouillé sur lequel on se trouve, inondable. Et le marais desséché où il y a toutes les cultures céréalières, toutes les grandes parcelles de blé, de maïs, de tournesol, de colza. 70 000 h de ce dernier, et 30 000 de mouillé. » Adrien fait le compte.

Il y a aussi ce qu’on appelle les marais littoraux, qui sont composés de prés salés (les mizottes), de vasières et de dunes. On les retrouve sur la baie de l’Aiguillon. 

Création des voies d’eau

Avant Napoléon Ier, cette zone n’était que grandes plaines, « souvent inondées et dont on ne pouvait pas exploiter les terres ». Puis au XIXe siècle, les marais séchés ont été endigués pour exploiter les terres avec plus de facilité. L’objectif étant de stocker de l’eau, pour subvenir aux besoins de l’activité principale : le pâturage du bétail.

Particularité : le marais mouillé n’accueille aucune habitation sur ses berges car il s’inonde en hiver. En période de crue, l’eau monte au dessus des parcelles qu’on ne distingue plus. « C’est assez impressionnant, et c’était déjà le cas avant la canalisation des voies d’eau. »

Le marais Poitevin dans l’âme

Dès son plus jeune âge, Adrien naviguait sur ces voies d’eau avec son père. Ce boulot saisonnier, qui le fait gagner quelques sous en été, son grand-père le faisait également. Et aujourd’hui, ses soeurs sont aussi de la partie.

Les embarcadères, en charge de ces balades rafraîchissantes, ont ouvert leurs portes grâce à la création de l’Association des familles rurales, en 1963. L’idée était de faire travailler les jeunes de la région. « On est une quarantaine  de jeunes saisonniers en été. Beaucoup d’anciens travaillent avec nous. Le patois vendéen et très prégnant. C’est aussi l’avantage de notre association, ce mélange entre les générations. »

Le Marais n’est pas que conté, les hommes l’entretiennent à travers les âges. « On enlève la vase qui est au fond et on la place sur les berges pour fertiliser la terre », notamment.

Le niveau de l’eau est très important, « aujourd’hui ce sont les syndicats qui encadrent cela au niveau des écluses, des barrages. Et cette gestion est plutôt efficace. On arrive à circuler à la fin de l’été malgré la baisse du niveau d’eau. » Dans le temps, la ressource précieuse était disputée entre les navigants et les exploitants.

Anguilles et chênes centenaires

Dans les fossés et canaux, l’anguille se fait de plus en plus rare. Adrien Talon nous en explique la cause : « Pour se reproduire, elle s’en va jusqu’à la mer des Sargasses. Sur le chemin elle est victime des bateaux de pêche qui la récupère quand elle est encore à l’état de civelle. » Le marché de la civelle étant très en vogue en Asie…

Un partenariat très régulier avec le parc naturel régional du marais Poitevin permet une lutte commune pour la préservation des espèces et notamment celle des anguilles. La pêche est très réglementée dans le marais, qui est classé Natura 2000. « On a beaucoup de poissons d’eau douce comme le brochet, la carpe, le sandre et le silure. »

Faune et flore

Le Marais grouille de vie. Adrien Talon nous en parle…

« Sur la gauche, une plante nommée la bardane. Ces feuilles ont plusieurs utilités. C’est avec ça qu’on a créé le velcro et ensuite le scratch. On la retrouve aussi dans beaucoup de compositions pharmaceutiques. »

« Le héron domine parmi les oiseaux migrateurs présents, avec plusieurs races. »

« Des buses, des aigrettes, des martins pêcheurs. Quelques cygnes qui font leur apparition de temps en temps. »

« Les lentilles d’eau sont le résultat de la décomposition des frênes au fond de l’eau à l’automne. Ça fermente dans la vase en été quand le soleil réchauffe l’eau, et ces petites tâches vertes remontent à la surface et recouvrent l’intégralité du fossé. D’où l’appellation Venise verte. Certaines années on a du en retirer car les barques ne glissaient plus sur l’eau. »

« On a très peu de moustiques dans le marais grâce à la libellule qui mange les larves. »

Adrien Talon rame paisiblement. Nous voilà dans une allée aquatique ombragée. « Là on a une belle vue sur des rangées de frênes, qui représentent 80 % des arbres du marais. » Leurs grosse racines permettent de maintenir la berge, de bien la stabiliser. Certains soufflent leur 300 ou 400e bougie… Ils nous guident vers la sortie.

En savoir plus : embarcadèremaraispoitevin ou embarcadèredel’abbaye

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